Introduction

Comme de nombreux artistes, Will Munro (1975–2010) a utilisé la musique pour rassembler les gens et bâtir une communauté.

Il n’a fait aucune distinction entre ses nombreux rôles d’artiste, d’organisateur, de DJ, de promoteur de musique et d’activiste; ces débouchés créatifs lui ont permis de trouver sa communauté et d’apporter une précieuse contribution à la culture musicale et artistique de Toronto.

Will Munro
Illustration d’un homme torse nu penché sur une table tournante. La moitié inférieure de l’illustration présente un bas résille sur une paire de jambes.

Will Munro, qui savait brouiller la frontière entre performance et art visuel, aimait travailler avec ses amis, comme Daryl Vocat, qui l’a illustré alors qu’il était DJ chez Vazaleen pour le magazine Xtra!.

Illustration de Daryl Vocat. Avec l’aimable autorisation du magazine Xtra!

Né en Australie et élevé à Mississauga, Will a déménagé à Toronto pour étudier à l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario. C’était un punk autoproclamé : il remettait en question le genre, l’intimité, la sexualité et rendait le privé public.

Will a tissé des liens entre les gens grâce à son travail. Lorsqu’il est arrivé à Toronto, il a senti qu’il n’y avait pas un seul endroit dans le village gai où les différents types de personnes s’identifiant comme LGBTQ+ pouvaient se réunir et danser.

J’avais toujours désiré, mais je n’ai jamais pu trouver, une scène gaie qui ne se limitait pas à sa promiscuité, à ses manigances et à ses excès bien connus.

Mais ici, dans le Nord, la chance m’a souri, et le monde que [Will Munro] a fait naître était plus aimant que sexy, plus ouvert que sombre, plus direct que suggestif, et plus généreux que pingre…

—Michael Cobb, ami de Will Munro, 2020

Vazaleen

Vazaleen

Le tournant du millénaire a inspiré à Will la volonté de créer et de célébrer l’avenir. En novembre 1999, Will s’est adressé à Dan Burke, l’organisateur musical d’El Mocambo, pour lui parler de la possibilité d’organiser dans ce lieu historique un nouvel événement musical inspiré par l’art et la culture queer. La première soirée de danse, appelée à l’origine Vaseline et organisée deux mois plus tard, a connu un tel succès qu’elle est devenue un phénomène mensuel.

Le nom a rapidement changé d’orthographe pour devenir Vazaleen afin d’éviter les litiges liés à la marque de gelée de pétrole. Vazaleen a ensuite déménagé au Lee’s Palace et est devenu, comme l’a décrit Alex McLelland, un activiste queer et ami de Will, « le cœur de la culture queer alternative à Toronto ».

Une affiche en noir et blanc annonçant une soirée de danse rock queer avec une tête d’homme portant un chapeau et une moustache au milieu, entourée d’un texte d’information sur l’événement et d’une bordure en maille de chaîne.

L’affiche de la première fête Vaseline à El Mocambo reprenait les thèmes queer du BDSM et de la culture « kink ». La chaîne et le chapeau évoquent pouvoir et autorité, tandis que la moustache est un clin d’œil aux années 1970, époque où une grande partie de la culture queer était encore cachée.

Avec l’aimable autorisation de la galerie d’art de l’Université York et de Paul Petro Contemporary Art.

culture inclusive

Créer une culture inclusive

Will a contribué à créer une culture inclusive accueillant tous les genres, races et âges dans une communauté axée sur l’amour. Il a créé non seulement un événement, mais un espace où chacun et chacune pouvait venir célébrer son identité.

Les soirées Vazaleen de Toronto sont devenues l'un des rendez-vous mondiaux du monde queer, un événement où l’on pouvait être soi-même, se déshabiller, danser et s’embrasser en sécurité.

Étant lui-même rocker punk et promoteur de musique, Will a fait venir des groupes de rock et de punk queer locaux et internationaux. C’est ainsi que Vazaleen a accueilli la déesse allemande du punk rock Nina Hagen et a servi de tremplin à l’artiste féministe queer Peaches, née à Toronto, ainsi qu’aux groupes locaux The Hidden Cameras et The Gossip.

L’écrivaine Sarah Liss a décrit Will comme « le pont entre les punks purs et durs, les drag queens, le rock indépendant et les soirées fétichistes. »

Nina Hagen et Peaches
 Affiche montrant en son centre la tête d’une femme avec la bouche grande ouverte et les cheveux en l’air. Dans ses cheveux se trouvent les mots « Nina Hagen ». Sous son visage se trouvent les mots « Show Yr Shame at Vazaleen » ainsi que la date et le lieu du spectacle.

Affiche pour la représentation de Nina Hagen, Vazaleen, Lee’s Palace, 25 juin 2004. Conçue par Michael Comeau.

 Affiche néon montrant différents interprètes, la plupart avec des cheveux longs et tenant des guitares. Il y a des dessins d’étoiles. Au centre de l’affiche, on retrouve les informations sur l’événement.

Affiche pour la performance secrète de la musicienne électronique queer Peaches, Vazaleen, Lee’s Palace, 30 mai 2003. Conçue par Michael Comeau.

Affiche néon montrant l’extérieur de plusieurs immeubles de construction basse et des hommes vêtus de cuir et de tenues de marins. Les affiches sur les immeubles indiquent « Vazaleen », « Sun June 30 » et « The Hidden Cameras ». Dans la fenêtre supérieure droite des immeubles, un homme tient une pancarte sur laquelle on peut lire « For the Will Munro Fund for Queers Living with Cancer ».

Affiche sérigraphiée annonçant une collecte de fonds Vazaleen au Wrongbar avec The Hidden Cameras, 2013.

Conçue par Michael Comeau.

Mississauga

Regarde : Mississauga Goddam

En 2004, Will Munro a joué dans le vidéoclip de la chanson Mississauga Goddam du groupe torontois The Hidden Cameras, avec lequel il a travaillé pour ses événements Vazaleen. Le titre de la chanson est un hommage à la chanson de Nina Simone Mississippi Goddam, parue en 1964, qui portait sur les droits civiques. La version de The Hidden Cameras décrit le champ de bataille pour les droits LGBTQ2+ dans les banlieues de Toronto.

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Le clip a été réalisé et produit par le chanteur et guitariste principal du groupe, Joel Gibb. Il a été filmé, comme il se doit, à Mississauga. Veuillez noter que cette vidéo de tiers ne fournit pas de sous-titres.

Voir la transcription

Mississauga goddam
Bears the treachery of my own man
I'll be wearing my disguise
Until I rid my life of Mississauga goddam

Mississauga people
Carry the weight of common evil
And go about their lives
With a whisper and a whine about Mississauga goddam

Mississauga skyline
Filled with the shadows of the power line
With the garbage and refuse
We'll build a mountain to the moon on top of Mississauga goddam
Mississauga goddam
A territory in the sky will brighten up my life from Mississauga goddam
Mississauga goddam
Mississauga goddam
Mississauga goddam
Mississauga goddam

Mississauga steeples
Chopped by supermarket heathen
Soot soon to paint the sky
The territory leads my mind from Mississauga goddam

Mississauga goddam
Bears the drudgery of my old man
I'll be wearing my disguise
Until I leave my life from Mississauga goddam

lyrics

Des chansons pour le changement, de 1964 à 2004

En 1964, Nina Simone a publié ce qu’elle a appelé sa « première chanson sur les droits civiques ». Écrite en réponse au racisme et à la violence contre les communautés noires du sud des États-Unis, la chanson de Mme Simone est rapidement devenue un hymne pour le mouvement des droits civiques. Elle a été interdite dans plusieurs états du Sud pendant de nombreuses années.

Just try to do your very best

Stand up be counted with all the rest

For everybody knows about Mississippi goddam

Picket lines

School boy cots

They try to say it’s a communist plot

All I want is equality

For my sister my brother my people and me

—Nina Simone, Mississippi Goddam, 1964

Le groupe indépendant canadien The Hidden Cameras s’est inspiré de l’hymne aux droits civiques de Nina Simone de 1964 pour écrire sa propre version, Mississauga Goddam. Cette chanson a permis de sensibiliser les gens aux luttes pour l’égalité LGBTQ2+ dans les banlieues. Will Munro a travaillé fréquemment avec le groupe. Il a notamment conçu la pochette de son EP The Arms of His 'Ill', paru en 2004.

Mississauga goddam

Bears the treachery of my own man

I’ll be wearing my disguise

Until I rid my life of Mississauga goddam

Mississauga people

Carry the weight of common evil

And go about their lives

With a whisper and a whine about Mississauga goddam

—The Hidden Cameras, Mississauga Goddam, 2004

The Beaver

The Beaver

En 2006, l’affluence aux soirées Vazaleen atteignait plus de 1 000 personnes certains soirs. Des amis ont décrit cette popularité comme « comme un monstre que [Will] détestait », affirmant que ces soirées « lui brisaient le cœur ».

Will a mis un terme à cette série d’événements, après avoir commencé à créer plutôt des soirées et des événements de danse électronique tels que Peroxide à Kensington Market, No T. O. et Moustache au Remington’s sur la rue Yonge.

En 2006, Will a cofondé un restaurant et bar nommé The Beaver, dans le quartier Parkdale, où il a également été DJ. Grâce, notamment, à ces espaces, il a fait disparaître les préjugés voulant que la communauté LGBTQ2+ ne vivait que dans un seul quartier de la ville.

Photo de la tête et du haut du corps d’un jeune homme dans un magasin de disques et de livres. Il porte un chandail vert et de grands écouteurs sur les oreilles. Il porte aussi un sac à dos noir sur l’épaule droite.
Will Munro sélectionnant des albums pour Peroxide chez Rotate This sur la rue Queen Ouest, 2006. Le magasin de disques a ensuite déménagé sur l’avenue Ossington.
Photographie de Zoë Dodd
Music and Art

Il y a différents types d'activités artistiques qui se déroulent.
Tout cela a un impact sur mon travail visuel. Et mon travail visuel se dirige de plus en plus vers la performance.

— Will Munro, au sujet de l’intersection entre performance et arts visuels, 2004.
Une armée d’amoureux
Une plaque commémorative circulaire entourée de marguerites gerberas rouges et blanches. Une pierre précieuse est placée au-dessus de la plaque.

Arbre commémoratif dans le parc Trinity Bellwoods avec une plaque commémorative dédiée à Will. Les vers d’un poème de Rita Mae Brown, « An army of lovers will never be defeated », étaient la devise personnelle de Will.

Photographie de Zoë Dodd

Une armée d’amoureux

Will est décédé en mai 2010, à l’âge de 35 ans, après avoir vécu deux ans avec un cancer du cerveau.

Après son décès, des amis et des admirateurs se sont réunis au parc Trinity Bellwoods pour célébrer sa vie et pleurer la perte d’un ami et d’un leader de la communauté.

Dans les années qui ont suivi, la famille et les amis de Will ont organisé pendant la Fierté des fêtes-hommage Vazaleen, qui visaient à la fois à honorer sa mémoire et à récolter des fonds pour le Will Munro Fund for Queer and Trans People Living with Cancer (géré par The 519), qui fournit une aide financière d’urgence aux personnes LGBTQ+ de tous âges vivant avec le cancer en Ontario.

QSO

Écoute : Queer Songbook Orchestra

D'autres Torontois se sont inspirés de la vie de Will Munro et de la manière de bâtir une communauté à travers la musique. Le Queer Songbook Orchestra, basé à Toronto, est un ensemble pop de chambre de 13 membres qui se consacre à l'exploration et à l'élévation du récit queer dans la musique pop. Le fondateur et directeur artistique, Shaun Brodie, parle avec Heritage Toronto du QSO ainsi que de la recherche et de la construction de communautés sûres grâce à la musique.

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Enregistré pour Heritage Toronto, 2019.

Voir la transcription

Je m’appelle Shaun Brodie et je suis le directeur artistique du Queer Songbook Orchestra ou QSO, pour faire plus court. QSO a débuté en 2014.

Il s’agit essentiellement d’un collectif de musiciens et de conteurs queer et alliés qui se sont en quelque sorte réunis pour explorer et élever le récit queer à l’aide de la musique pop. Nous sommes donc un noyau de 13 personnes, principalement des musiciens. Le groupe est un mélange de personnes issues de la pop et du jazz, mais aussi de la musique classique. Nous avons donc différents profils au sein du groupe.

Et ce que nous faisons, c’est explorer les récits historiques et personnels qui ont un noyau queer et qui sont liés à une chanson particulière. Donc, QSO n’existerait pas sans la narration. Cela fait partie intégrante de nos activités. Les histoires sont vraiment ce qui nous permet d’atteindre les aspects plus profonds et émotionnels de nos spectacles.

Et vous savez le travail que nous faisons. Dans nos spectacles, il n’est pas rare qu’une personne du public se sente émotive, dépassée par l’émotion, ou même qu’elle pleure. Il n’est pas rare que la personne qui raconte l’histoire soit un peu dépassée et pleure. Il n’est pas rare que moi-même, lorsque je parle au public, je me mette à pleurer, ce que je n’avais pas vraiment prévu au début, au moment d’imaginer ce projet.

Cependant, quand ça arrive, on se sent en quelque sorte obligé de le faire, et je pense qu’on se sent en sécurité dans la salle grâce aux histoires que nous avons racontées et à cette chaleur qui nous enveloppe. Voir le point de vue d’une autre personne à travers ce dont elle… elle parle. Et ainsi, la diversité a été une partie vraiment importante de nos spectacles. Nous avons inclus des histoires trans et non binaires et des histoires de personnes d’origines diverses. Par exemple, le point de vue d’un nouvel arrivant au Canada qui vient d’un pays où être queer est illégal. Toutes ces histoires, même si elles ne ressemblent pas à la nôtre... quoique... peut-être que oui?

Ou bien, ça pourrait y ressembler d’une façon embryonnaire. Et si ce n’est pas le cas, on peut toujours apprendre de l’expérience de l’autre. Et si vous êtes hétéro, il se peut que ce récit ne ressemble à rien que vous connaissiez et que vous n’ayez jamais pensé à ce genre de trucs. Mais cela pourrait vous donner un peu plus de compassion pour ces personnes qui s’identifient de cette façon ou qui ont vécu ces expériences.

Explore à fond

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An Army of Lovers: A Community History of Will Munro. Par Sarah Liss. Toronto : Coach House Books, 2013. Livre.